viernes, 21 de septiembre de 2018

Cuando el silencio hace daño: el caso de la Iglesia católica. [En francés]

Aquí las reflexiones de un teólogo domínico belga acerca de lo que ocurre (desde hace tiempo) en la Iglesia. (Para quienes leen francés)


Pourquoi un si long silence ?
Église, pédophilie, abus sexuels et maltraitances

En quelques mois, l’étendue du drame de la pédophilie dont sont coupables prêtres, religieux, évêques et cardinaux éclate publiquement et se révèle dans l’Église et la société. Mais apparaît aussi au grand jour le fait que, systématiquement et partout, ce drame a été couvert dans l’Église par le silence, par une véritable omertà1.
La révélation à la fois de l’étendue dramatique des actes de pédophilie commis par des prêtres ou religieux, avec toutes les souffrances dont ces actes sont la cause, et du couvercle de silence mis par les responsables de l’Église sur ce drame, ont suscité en moi un très profond trouble. C’est ce trouble qui est à l’origine de la réflexion critique ici développée. Je cherche à comprendre. Je précise tout de suite que je ne m’interroge pas ici sur les causes de ces pratiques pédophiles ou autres pratiques sexuelles déviantes ou maltraitances. Je m’interroge sur le phénomène du silence de l’Église, de cette omertà.
Le pape François dit que ce silence coupable est lié au cléricalisme. Qu’est-ce à dire ? Je pense qu’il a raison, et c’est cela que je cherche à décoder.
L’ampleur du drame de pratiques ecclésiales criminelles, qui s’est révélé en Irlande, en Australie2 et en Pennsylvanie et tout récemment en Allemagne3, entre autres, est un véritable choc : qui, croyants ou incroyants, imaginait que cela était possible à ce niveau ? Il est évident que cela ne va pas s’arrêter là. Il est clair aussi qu’il ne s’agit pas seulement de pédophilie, même si c’est le crime principal. Les agissements du cardinal McCarrick, l’ancien archevêque de Washington, ne sont pas, principalement en tout cas, de l’ordre de la pédophilie : celui-ci a usé de son autorité religieuse et de la situation de faiblesse d’adultes (essentiellement séminaristes et jeunes prêtres) pour les abuser sexuellement. De même, en Irlande, au sujet de la maltraitance exercée par les religieuses chez lesquelles étaient recluses les mères célibataires et leurs enfants : ce n’était pas un problème de pédophilie, mais de violence criminelle. En ce qui concerne Marcial Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ, il ne s’agit pas non plus de pédophilie, mais de pratiques sexuelles gravement déviantes. À cette liste de pratiques profondément immorales avec leurs victimes, on peut ajouter certaines pratiques sectaires dans l’Église, entre autres dans certains nouveaux mouvements4. Tous ces cas ont un élément commun : certains au plus haut niveau savaient, mais n’ont pas voulu savoir et ont couvert les coupables. Il s’agit là de dysfonctionnements graves.
L’événement déclencheur de ma démarche est la lettre ouverte de Mgr Vigano, ancien nonce aux États-Unis, au sujet du cardinal McCarrick, dans laquelle il attaque directement le pape François, accusé d’avoir protégé cet archevêque. Cette lettre mélange fait avérés, silences délibérés et mensonges. Par-là, Vigano chercher à déstabiliser le pape et demande publiquement sa démission. Dans ce cas, ce qui est en jeu ce n’est pas la pédophilie, mais le silence des responsables religieux qui savaient. Mais cette lettre est aussi révélatrice des méthodes que n’hésitent pas à utiliser certains hauts dignitaires de l’Église pour arriver à leurs propres fins politiques au sein de l’Église. Récemment le Financial Times (31 août), qui n’est pas accoutumé de publier des articles concernant l’Église, a eu un titre choc : « La guerre civile dans l’Église catholique ». Comment comprendre ?
Mon questionnement porte ainsi directement non sur les crimes de pédophilie et abus sexuels eux-mêmes commis au sein de l’Église5, mais sur l’omertà qui les a couverts, sur les raisons de cette omertà, car c’est en cela principalement qu’il y a aujourd’hui crise particulièrement grave dans l’Église. Ma question : pourquoi, dans l’Église, cela est-il resté si longtemps caché, pourquoi si longtemps a-t-on voulu le cacher ? ou plus précisément encore quels sont les fonctionnent internes à l’Église pouvant engendrer cette pratique perverse du silence et donc de la complicité dans le crime ?
L’archevêque de Strasbourg, Mgr Luc Ravel, a publié une lettre pastorale sur les abus sexuels le 29 août 2018 : « Mieux vaut tard ». : « Mieux vaut tard que jamais. On connaît ce proverbe efficace. À sa façon, il relève ceux qui baissaient la tête et réveille ceux qui baissaient les bras, les uns et les autres persuadés d’avoir laissé passer le moment pour agir. Mais il indique aussi qu’agir est nécessaire même s’il eût été mieux d’agir avant l’inaction. [...] Cette façon énergique de penser qu’il n’est jamais trop tard, même si c’est très tard, concerne avant tout l’Église catholique en 2018 après les révélations (non achevées) des abus sexuels commis par des prêtres catholiques au sein même de leur ministère. » Il n’est certainement pas trop tard. La question est cependant : pourquoi si tard ?
Pour rencontrer cette question, il faut me, semble-t-il, distinguer plusieurs éléments qui se croisent et se renforcent mutuellement. Certains touchent toutes les institutions qui sont en lien avec des jeunes, car la pédophilie est aussi présente, et sans doute plus qu’il n’apparaît, dans les mouvements de jeunesse sans lien avec l’Église, dans le milieu des sports, et évidemment au sein des familles6. Le crime de pédophilie est répandu à plus ou moins grande échelle dans toutes les institutions en lien avec des enfants ou des jeunes et ces institutions se protègent. Partout, il y a abus d’autorité et utilisation perverse de la faiblesse des victimes, et c’est le silence. l’Église est de ce point de vue une institution comme les autres.
D’autres éléments sont spécifiques à l’Église et favorisent à la fois les délits sexuels et le silence ou la couverture donnée par les évêques et supérieurs religieux à ces pratiques. Ce sont ces éléments spécifiques que je cherche ici à analyser.

L’Église comme institution
L’Église, à tous les niveaux, est une institution, et comme toute institution elle se protège : on sait, mais on ne veut rien dire, on ne veut pas savoir, car cela porterait tort à l’image de l’institution, en l’occurrence à l’image de l’Église, tant parmi les fidèles que dans la société plus large. Ce silence s’appuie sur des réseaux internes de complicités : cela est apparu très clairement au Chili. Or l’Église, dans ses acteurs institutionnels, tient à son image de gardienne de l’ordre moral de la société et à l’influence qu’elle veut avoir dans ce domaine. Elle a peur de perdre son crédit social et culturel. Et elle tient à son autorité sur les fidèles. Mais cette peur de voir le problème et de le reconnaître, peur de le rendre public, en mettant un couvercle sur la réalité, a un effet exactement contraire à celui recherché. Lorsque les choses éclatent au grand jour en raison de processus externes à l’Église elle-même, en particulier quand la justice civile et les journalistes s’en mêlent, le discrédit est d’autant plus grand et brutal. C’est ce qui apparaît manifestement aujourd’hui. Ces pratiques gravement immorales, qui impliquent non seulement prêtres et religieux, mais évêques et cardinaux, discréditent profondément dans l’opinion publique et parmi les croyants le discours rigoriste que tient l’Église, en particulier dans le domaine sexuel. Et plus largement cette révélation brise la confiance en l’Église et conduit certains catholiques à en prendre publiquement distance. Il y a ces derniers temps et dans certains pays augmentation sensible de personnes demandant à ce que leur nom soit rayé des registres de baptême (phénomène de « débaptisation »). Le silence voulu et organisé discrédite peut-être davantage l’Église comme institution que les pratiques criminelles elles-mêmes.
Ce souci de l’image a eu des conséquences dramatiques, en particulier la non-prise au sérieux de la souffrance des victimes, l’incapacité à écouter vraiment. Cela a eu pour effet aussi l’incapacité de prendre les décisions qui s’imposent : on a discrètement déplacé les prêtres ou religieux sans trop s’inquiéter de ce qu’ils feraient à leur nouveau poste et sans prendre de véritables sanctions, et surtout on a évité d’ébruiter la chose sans dénoncer ces coupables à la justice civile. Sans doute aussi, nombre d’évêques ou supérieurs religieux n’étaient pas conscients (pas plus que les fidèles) de l’étendue du problème (c’était seulement un cas malheureux chez nous, mais on n’en parlait pas avec d’autres évêques ou supérieurs). Et quand les choses remontaient jusqu’à Rome (dans quelle proportion ?) : surtout pas de bruit ! Personne sans doute ne se doutait de l’étendue du drame tel qu’il se révèle aujourd’hui.

Le caractère proprement ecclésial de la crise
Il y a une autre dimension institutionnelle, une dimension proprement ecclésiale, qui renforce le problème de la gestion de la pédophilie et des crimes sexuels au sein de l’Église. Je pense qu’il faut mettre en évidence trois volets de ce problème institutionnel proprement ecclésial.
– La sacralisation du prêtre entretenue par l’Église (la symbolique de la liturgie d’ordination est très expressive à cet égard par ses références au culte du Temple, références atténuées cependant dans le rituel promulgué par Paul VI par rapport au rituel préconciliaire), figure d’autorité intouchable. Le prêtre sacralisé est représentant de Dieu, il est, dit le rituel d’ordination, « configuré au Christ, Prêtre souverain et éternel » et par là revêtu de son autorité. Il inspire confiance et respect. Le clergé dans l’Église catholique a été institué de fait en une caste intouchable, cumulant les privilèges de l’honorabilité sociale et religieuse, du respect dû et du pouvoir. De ce fait, l’immense majorité des personnes concernées se sont tues : elles n’ont pas osé en parler, d’autant plus qu’elles craignaient que la honte repose sur elles. Quand, une minorité a essayé de se faire entendre, on n’a pas voulu les croire, ou on n’a pas voulu entendre. Et quand malgré tout les faits se sont avérés, on a cherché à ce que les victimes se taisent, quitte à acheter leur silence. Cela a très largement contribué au masquage du problème et du drame.
– Le cléricalisme dénoncé par François (mais va-t-il assez loin ?) : le système d’autorité dans l’Église est exclusivement porté par des prêtres hommes célibataires, exerçant à temps plein et ordonnés à vie, ce statut contribuant à la sacralisation. Sans doute, ce statut du prêtre placé sur un piédestal est-il pour le moins profondément érodé dans nos régions, et son autorité est mise en cause. Il reste qu’il a de fait le pouvoir. Les exemples ne manquent pas de paroisses où un curé avait suscité une équipe dynamique de laïcs dans le sens d’une vraie coresponsabilité, et un nouveau curé est nommé qui affirme clairement que c’est lui qui est le curé et qu’il est seul à décider. En quelques mois, pratiquement tous les laïcs impliqués désertent la paroisse. Il y a là clairement abus de pouvoir précisément parce que le prêtre localement a le pouvoir et lui seul. Et les plaintes adressées au responsable régional (doyen ou autre) et à l’évêque restent sans aucun effet. Les laïcs en général et les femmes en particulier sont exclus de la gestion du problème suscité par la pédophilie ou abus sexuels commis par des prêtres, comme d’ailleurs ils sont exclus de toutes les grandes questions au sein de l’Église : Humanae Vitae en a été un exemple éloquent. D’où l’incapacité de mesurer la profondeur et l’ampleur du drame. Il s’agit donc de reposer radicalement la question de l’autorité, du pouvoir et donc des ministères dans l’Église : le drame révèle les effets destructeurs pour l’ensemble de la communauté chrétienne de cette forme sclérosée de ministère, quoi qu’il en soit de la qualité humaine et de la sainteté de nombre de prêtres, religieux ou évêques.
– Le fait que tout ce qui concerne la sexualité a été objet de méfiance et de déconsidération dans l’Église. Celle-ci, malgré les beaux discours (la théologie du corps de Jean-Paul II), montre son incapacité à prendre réellement en compte cette dimension qui touche toute vie humaine. Ce couvercle mis sur cette dimension était favorisé par le tabou de ce thème dans la société elle-même marquée par un certain puritanisme très marquant au 19e s. et jusqu’il n’y a pas si longtemps. Mais la société a changé sur ce point ! Il est urgent que l’Église puisse ouvrir un espace de libre débat et de réflexion dans ce domaine éthique fondamental, débat dans lequel tous aient la voix. En lien avec cela, la question du célibat imposé pour les prêtres et l’exclusion des femmes par rapport au ministère et aux lieux réels de pouvoir. Le célibat n’est pas l’explication ou la cause de la pédophilie : il est un élément dans un ensemble et la question doit être ouverte. Mais il y a aussi les questions autour de l’homosexualité. Le pape en appelle à la synodalité, c’est-à-dire à la participation de tous, à ce que tous aient voix au chapitre, dans l’esprit de Vatican II auquel il se réfère constamment.
Cette crise majeure est aggravée du fait des conflits de pouvoir dans l’Église, au sein de la curie (François l’a aussi dénoncé avec vigueur) et au sein de certains épiscopats nationaux (aux États-Unis, par exemple). Des coups bas, des déclarations publiques incendiaires, des manœuvres masquées : tout semble permis pour déstabiliser et discréditer le pape. La lettre ouverte de Vigano en témoigne, qui mêle faits réels, mensonges délibérés, silences calculés, soupçons sur les personnes… Certes François commet des erreurs, la spontanéité de sa parole lui joue parfois de mauvais tours (lorsqu’il déclare par exemple que les parents qui découvrent l’homosexualité d’un de leurs enfants devraient consulter un psychiatre, le psychiatre, par profession, ne traitant que de maladies…). Mais il est une des seules grandes autorités morales aujourd’hui. Et ses erreurs peuvent contribuer à ne pas idéaliser son autorité.

Faire face à la crise
Comment faire face à un tel ébranlement, alors que seule la partie émergée de l’iceberg apparaît aujourd’hui, et qu’il est évident que d’autres faits vont apparaître au grand jour, qu’il y aura d’autres révélations dans d’autres diocèses, dans d’autres pays ? Comment affronter le phénomène de l’omertà qui a joué à tous les niveaux de l’Église, et qui continue à jouer à certains endroits ?
Il faut vouloir aller jusqu’au bout de l’analyse de ce cancer qui ronge l’Église. Dans sa lettre au peuple de Dieu, François déclare explicitement qu’ « il est impossible d’imaginer une conversion de l’agir ecclésial sans la participation active de toutes les composantes du peuple de Dieu. »
Cette participation active a de nombreuses implications.
En ce qui concerne la question précise de la pédophilie ou autres abus sexuels dont sont coupable des prêtres, il faut inciter les victimes ou leurs proches à s’adresser dès que possible à la justice. De leur côté, les évêques ou supérieurs religieux informés doivent transmettre les informations ou accusations à la justice civile ; respecter et soutenir le travail de la justice et y collaborer pleinement, sans chercher à s’en protéger. Des progrès significatifs ont été faits en ce sens, avec l’appui très clair de Rome, mais ce n’est pas le cas partout. L’Eglise en Belgique a bien travaillé et est heureusement claire aujourd’hui à ce sujet (y a-t-il cependant autant de clarté dans tous les ordres et congrégations religieuses ?) : la Commission parlementaire Adriaenssens « relative au traitement d'abus sexuels et de faits de pédophilie dans une relation d'autorité, en particulier au sein de l'Église » (2010-2011) a fait un excellent travail et l’Église y a pleinement collaboré. Il en va de même dans d’autres pays comme les Pays-Bas, mais c’est loin d’être le cas partout. Et il faut se demander : pourquoi ces positions claires et courageuses sont si récentes ? Pourquoi pas il y a trente ou quarante ans ?
En ce qui concerne la responsabilité des évêques et supérieurs religieux7, il faut mettre en œuvre une véritable transparence. Le pape François est très clair concernant cette exigence. La transparence est aujourd’hui une exigence éthique pour tous les lieux de pouvoir dans la société, et bien sûr dans l’Église. Il faut affronter la question difficile de l’ouverture des archives des diocèses ou des ordres religieux, afin que puisse être analysée la façon dont les plaintes ont été gérées. Dans le contexte présent, détruire une partie de ces archives peut être considéré comme une faute grave, même si cela ne concerne pas directement la pédophilie : le fait même de l’acte de destruction soulève des soupçons. Mais cela suppose aussi une grande rigueur déontologique : ces archives comportent de multiples informations qui concernent la vie privée des personnes, avec des informations qui n’ont rien à voir avec la question de la pédophilie ou des abus sexuels.
Ce qui est largement mis en cause aujourd’hui, ce n’est pas seulement le fait dramatique de la pédophilie et autres abus sexuels eux-mêmes, c’est le refus de prise de responsabilité de nombre d’évêques et de Rome, c’est le silence par rapport à ce qu’ils savent, entre autres sur d’autres confrères évêques : sur ce sujet, a régné dans l’Église une véritable omertà. Les évêques doivent être conduits à rendre compte publiquement (accountability) de la façon dont ils ont traité les plaintes qui leur étaient adressées. Dans ces circonstances, il est évident qu’il ne peut appartenir à une commission constituée uniquement ou principalement d’évêques d’évaluer la responsabilité ou l’irresponsabilité des évêques mis en cause ; la présidence et les compétences juridiques doivent nécessairement être non cléricales.
Il ne suffit sans doute pas d’obtenir la démission des évêques impliqués : ne devrait-il pas exister une procédure permettant à la fois de les « réduire » à l’état presbytéral simple, tout en les excluant de toute responsabilité ministérielle, ou dans les cas les plus graves, prononcer la privation de l’état clérical (terme utilisé actuellement par le droit canon à la place de réduction à l’état laïc) ? Le cardinal McCarrick a été privé de son statut de cardinal, mesure tout à fait exceptionnelle dans l’Église, mais est-ce suffisant par rapport à la gravité des faits qui lui sont reprochés ?

Un travail théologique de fond est urgent
Il ne suffit pas de dénoncer le cléricalisme qui est, comme le dit le pape, une des causes majeures de la crise présente, et d’inviter à une véritable conversion des cœurs et des esprits. Il faut poser les questions portant sur les structures ecclésiales qui engendrent le cléricalisme et le fondement théologique de ces structures. François en appelé à « la participation active de toutes les composantes du peuple de Dieu ». Comme théologien, par ce travail je cherche à apporter une modeste réponse à cet appel. Je ne prétends pas avoir toutes les réponses aux questions sur les dérives criminelles au sein du clergé ni sur le silence de l’Église, je ne prétends pas posséder la vérité dans mes propositions, en particulier celles plus radicales qui portent sur les ministères et les sacrements, je souhaite seulement apporter des arguments réfléchis en vue d’un débat théologique vraiment libre et qui donne la parole à tous, pas seulement les théologiens, mais aussi les croyants sur la base de leur expérience de foi.
Il y a un lien évident entre cléricalisme et ministères. La question des ministères dans l’Église doit être reposée fondamentalement : des travaux en ce sens existent (Schillebeeckx, par exemple). Je pense que le pape devrait instituer une commission ayant la possibilité de travailler cette question en toute liberté, commission suffisamment représentative du peuple de Dieu. Un synode, tel qu’il est conçu à l’heure actuelle et exclusivement clérical, n’est pas l’instance adéquate pour rencontrer une telle question8 (la commission instituée après le concile pour la question de la contraception allait dans le bon sens, encore faut-il que ce travail soit pris au sérieux !) : célibat des prêtres, accès des femmes aux ministères, ministères sacramentels spécifiques, mandats ministériels limités dans le temps, etc., ces questions doivent être ouvertes.
Il y a lieu d’étudier sérieusement la question du pouvoir dans l’Église, pouvoir sacralisé et monopolisé (ou confisqué) par les clercs. La question du pouvoir doit aussi être abordée lucidement à partir de la problématique du genre : l’analyse du fonctionnement de la société à partir des rôles sociaux s’applique aussi au fonctionnement de l’Église : il ne suffit pas de dire que les ministères ordonnés relèvent de l’ordre sacramentel, institutionnellement ce sont aussi des rôles sociaux qui demandent à être décodés. Dans mon livre sur le synode sur la famille et Amoris laetitia, je suggérais de s’inspirer de l’Église d’Angleterre où toutes les décisions importantes sont prises par trois collèges : évêques, prêtres et laïcs, une majorité dans les trois collèges étant nécessaire…
Il faut repenser la signification et le statut des sacrements : service ou pouvoir ? Repenser en particulier la signification des ministères ordonnés. Institution divine et mise en œuvre de la volonté du Christ ou initiative et décision créative de l’Église au service de la vie des communautés chrétiennes ? Cette question de la nature des sacrements se pose aussi suite à Amoris laetitia et à la question de l’accueil eucharistique des divorcés remariés civilement : quel statut ecclésial pour ce remariage civil ? quelle signification et portée du mariage sacramentel ?
Il est nécessaire aussi de travailler les questions anthropologiques liées au corps et à la sexualité et à l’équilibre affectif des personnes, la reconnaissance de l’homosexualité comme orientation non choisie et les conséquences d’une telle reconnaissance, les liens entre sexualité et pouvoir…
Il n’y pas dans l’Église contemporaine que le silence des responsables, il y a aussi le silence imposé aux théologiens et indirectement aux fidèles sur les questions doctrinales : il y a trop peu de place pour le débat libre, pour la véritable recherche théologique : le rôle joué par la Congrégation pour la doctrine de la foi et soen pouvoir ont été démesurés. Explicitement, le cardinal Müller, préfet de la Congrégation et actuellement écarté, a déclaré que par sa fonction il avait mandat de cadrer théologiquement le pape ! Et il ne cesse de s’opposer publiquement, avec d’autres cardinaux, aux ouvertures voulues par François. Le pape cherche clairement à ouvrir l’espace d’une parole libre : il l’a dit ouvertement en ouvrant le synode sur la famille ; il le redit indirectement en appelant tous les membres de l’Eglise à s’implique dans l’affrontement à la crise présente. On ne sortira pas de la crise si tous n’ont pas la parole, et en particulier ceux qui sont le plus concernés.
Tout ce travail demande tout à la fois la prise en compte sérieuse de l’expérience des croyants et du sensus fidei, l’étude critique des sources bibliques et en particulier évangéliques et de la tradition de l’Église, et l’ensemble des éclairages anthropologiques qu’ils soient psychologiques ou philosophiques. Cela exige aussi un véritable espace de débat libre et sans tabous.
Il est évident que cela demandera du temps. Il est urgent de s’y mettre, avec liberté, patience et persévérance.
*
Faut-il désespérer de l’Église ? Certains se posent aujourd’hui cette question. Certains, dégoutés ou découragés, y ont déjà répondu en quittant l’Église La crise présente est sans doute la plus grave depuis très longtemps. Le feu couvait, il s’est embrasé, il n’est pas prêt de s’éteindre.
Comment, dans la souffrance et la foi, puis-je vivre une telle situation ? Je crois qu’en Jésus, Dieu a choisi de venir parmi nous en se faisant homme, en se faisant humain avec toute la beauté, mais aussi les faiblesses et les limites de l’humain. Au fondement de notre foi, il y a la personne de Jésus, confessé comme Fils de Dieu, et son message l’Évangile. La mémoire de Jésus et la parole de l’Évangile n’auraient pu faire histoire et nous rejoindre aujourd’hui si elles ne s’étaient instituées, si elles ne s’étaient à leur manière incarnée dans une institution. Et c’est par cette institution historique que j’ai reçu la foi. Une institution humaine de part en part. Avec toutes les beautés et les faiblesses et parfois les turpitudes de l’humain. Cela se révèle brutalement aujourd’hui. Cette crise peut cependant être bénéfique. Le pape François a libéré la parole, et cela crée des divisions : le débat portant sur la fidélité à l’Évangile et à la véritable tradition est difficile, mais il ne peut qu’être fécond, ouvrant à davantage de vérité, vérité humaine, vérité morale, vérité spirituelle. La mise au jour des pratiques pédophiles et sexuelles déviantes et criminelles, la mise au jour des maltraitances dont se sont rendus coupables prêtres à tous les niveaux de la hiérarchie, et religieux et religieuses est le fait non d’une initiative de l’Église elle-même, mais de forces qui lui sont extérieures : plaintes des victimes, journalistes, enquêtes publiques, parlementaires ou autres, puis pouvoir judiciaire. Cela ressemble à un tsunami dont les vagues dévastatrices atteignent progressivement d’autres rivages… Mais ici encore cela doit être salutaire : plus de transparence, plus de lucidité, plus de vérité. Et sans nul doute un appel à une vie plus humaine et plus évangélique, à davantage de sens de la responsabilité.
L’écoute des victimes devient une priorité. Cette exigence d’écoute accueillante et bienveillante répond à l’option préférentielle pour les pauvres qui est au cœur de l’Évangile et qui est reconnue officiellement comme un appel adressé à toute l’Église depuis Jean-Paul II. Progressivement des pas importants sont faits dans cette direction. Nous pouvons être sûrs qu’il y en aura d’autres. Ici aussi la parole se libère, non seulement sur le fait des déviations, mais sur ce qui, d’une manière ou d’une autre, a contribué à ce que cela reste caché. Dans un autre domaine, lié aussi à ce caractère humain de l’institution, des malversations se révèlent dans la gestion des finances et de l’argent. François a sérieusement commencé à mettre de l’ordre dans les finances du Vatican. Mais des questions se posent aussi à tous les niveaux de l’Église, des diocèses, aux communautés religieuses et aux paroisses : trop de malversations… Ici encore, le plus souvent les mises en cause viennent de l’extérieur. Et cela aussi contribue à plus de propreté.
Notre Église a déjà largement perdu, progressivement et depuis longtemps dans nos pays, de son poids social et de sa superbe. De plus en plus, elle devient une Église minoritaire et pauvre, pauvre en moyens, pauvres en capacité d’influence. Ne lui reste alors qu’une seule force : celui du témoignage évangélique inspiré par l’Esprit. Et c’est cet Esprit qui nous donne de vivre dans la foi et l’espérance ce temps présent, et qui nous appelle à nous soutenir les uns les autres sur ce chemin, chemin de conversion.

Ignace Berten, septembre 2018

1 Voici la définition de l’omertà qu’en donne Wikipédia : « L'omertà est un vocable sicilien propre au champ lexical de la mafia. On le traduit généralement par loi du silence. La loi du silence est la règle tacite, imposée par les mafieux dans le cadre de leurs affaires criminelles, cela implique, entre autres, la non-dénonciation de crimes et le faux-témoignage. »
2 En Australie, dans certains diocèses, c’est 15% des prêtres qui, entre 1950 et 2010, ont été coupables d’actes pédophiles, et dans l’Ordre des Frères hospitaliers de Saint-Jean, 40% des membres sont mis en cause. Jusqu’à la création de la Commission nationale d’enquête en 2013, dont le rapport a été publié en décembre 2017, l’Église s’est tue.
3 Un rapport commandé par la Conférence épiscopale d’Allemagne en 2014 et qui devait lui être présenté le 25 septembre a été communiqué à la presse le 12 septembre. Ce rapport met en cause 1.670 clercs ayant abusé 3.677 enfants ; selon ce rapport, pendant des décennies l’Église a « détruit ou manipulé » de nombreux documents relatifs à des suspects et « minimisé » sciemment la gravité et l’ampleur des faits.
4 Voir à ce sujet : De l’emprise à la liberté. Dérives sectaires au sein de l’Église, sous la direction de Vincent Hanssens, Paris, Mols, 2017, 319 p.
5 De multiples questions sont évidemment à poser au sujet de la pédophilie dans l’Église : pourquoi une telle ampleur, pourquoi autant de prêtres impliqués, au moins dans certains pays, actuellement Australie, Pennsylvanie et Allemagne en particulier ? Pourquoi, là où c’est l plus massif, cela concerne-t-il majoritairement des prêtres décédés ou des faits qui tombent légalement sous la prescription ? Cela signifie-t-il qu’avant ces quelques décennies documentées le phénomène était beaucoup moins présent, ou parce qu’en raison du silence il n’y a plus de témoins ? Cela signifie-t-il aussi que cette pratique criminelle a réellement et fortement diminués dans la période plus récente ? Il faut certainement tenir compte du fait que la perception criminelle de la pédophilie est relativement récente et qu’une certaine pédérastie (on ne parlait pas de pédophilie) était plus ou moins acceptée ou tolérée dans la société. Mais je n’ai pas compétence pour rencontrer ces questions.
6 Selon la Commission d’enquête en Australie, des abus ont été commis dans presque tous les endroits où des enfants résidaient ou participaient à des activités éducatives, récréatives, sportives, religieuses ou culturelles.
7 Dans la suite, chaque fois que je parle des évêques, je parle aussi des supérieurs religieux.
8 Au synode sur la famille, on a donné la parole à quelques couples modèles, on n’a pas invité des personnes divorcées et remariées, alors qu’on n’a cessé d’en parler tout au long du synode ; il a été question des personnes homosexuelles, et marginalement de l’union homosexuelle, question rapidement exclue des débats, mais on n’a pas invité des personnes homosexuelles ni a fortiori un couple homosexuel afin d’entendre leur expérience humaine et croyante.

jueves, 13 de septiembre de 2018

Difusión científica

Las revistas científicas son sin duda la principal vía de difusión del conocimiento científico aparte de los sistemas de e-learning. Pero no se puede despreciar la importancia de la Wikipedia, como han demostrado dos investigadores, del MIT y de la Universidad de Pittsburgh: encontraron que ésta no solo permite el acceso del gran público sino que influye en una de cada 300 palabras en artículos científicos relacionados. “La enciclopedia sufre de un estigma entre los académicos, como si se tratara de un compendio de información superficial e inexacta”, pero “aumentar la cantidad de información disponible en repositorios es una forma económica de avanzar la ciencia.” (Genbeta, 21/9,2017)

Existen numerosas revistas científicas digitales que, además de asegurar una mayor difusión del conocimiento, constituyen también un acelerador del desarrollo de la ciencia.
“La aparición de los journals, que es como se conoce a este tipo de revistas, determina ‘qué es ciencia’ y qué ‘no lo es’. Para que algo se considere un ‘hecho científico’ ha de estar descrito en una de estas revistas. No es que sea una obligación, pero ningún científico moderno aceptaría un descubrimiento que no fuese publicado en ellas.” (Xataka, 13/09/2018)
Desde 1955 se mide el “factor de impacto” de estas revistas, lanzado por la revista Science, basado en el número de veces que se citan sus artículos. La lista más importante es la del Journal Citation Reports, pero existen varias otras y bases de datos internacionales que permiten verificar la idoneidad de las revistas y su relevancia: ZDB, DOAJ, Scopus, EBSCO, Libis-net, Latindex, etc. Sus algoritmos suelen ser privados, lo cual introduce muchas dudas sobre su validez y ha puesto en entredicho la obligación de publicar en las revistas indexadas (“Publish or Perish”). Aún más cuando grandes editoriales controlan la maquinaria de publicación (y exigen altos pagos) y sus revistas - aún las más prestigiosas - han publicado experimentos cuestionables a pesar de su prestigio y de sus - supuestos - mecanismos de control. 

Gracias a internet han surgido revistas de acceso abierto (Open Access), que pueden ser gratuitas tanto para autores como para lectores (Campillo). Se pueden encontrar más de 15.900 revistas científicas de acceso abierto en la base de datos J4F (Journals Four Free) y varias otras, como Open Access Library y ROAD. Infobase Index selecciona revistas basándose en los criterios de acceso abierto, calidad editorial y calidad de revisión por pares.

Frente a las que cobran altas tarifas tanto para publicar como para leer artículos ha surgido un movimiento creciente de reprobación, considerando que este procedimiento perjudica la difusión de la ciencia. Este movimiento, ya presente en 2001, ha sido reactivado en 2012 por el matemático, medalla Fields, Timothy Gowers, de la Universidad de Cambridge, a través de su blog “The Cost of Knowledge”, reuniendo a 2018 la adhesión de más de 17.200 científicos. El motivo fue el alto precio cobrado por el grupo Elsevier, que publica The Lancet, Cell y otras 200 revistas científicas, y su política de obligar a las bibliotecas a suscribirse a paquetes de revistas. Dos de los firmantes han expresado lo siguiente: “With the moves of these megapublishers, we [are] seeing the beginning of monopoly control of the scholarly record.” (Hal Abelson, profesor de computación del MIT) y Benjamin R. Seyfarth, profesor de la Escuela de Computación de la Universidad de Southern Mississippi, agregó que “nearly all university research is funded by the public and should be available for free.” (Brunner.cl, 31/01/2012). Incluso la Universidad de Harvard difundió un memo oficial referido al tema con recomendaciones para enfrentar esta situación (Brunner, 24/04/2012).

También existe una base de datos de autores, Orcid.org, donde es posible encontrar datos básicos de más de cinco millones de autores, y varias publicaciones académicas exigen estar registrado en ella por poder publicar. En Academia.edu se pueden encontrar también las publicaciones o referencias (links) de publicaciones de numerosos académicos, los únicos que tienen permitido registrarse en esta base de datos.

jueves, 21 de junio de 2018

De la multimedia a la transmedia

En 2004, la Universidad Diego Portales (UDP) decidió cerrar su recién inaugurada Escuela de Comunicación Multimedial, basándose en un estudio de mercado que concluyó que no habría campo de trabajo para los profesionales egresados. Los hechos han puesta en evidencia el enorme error cometido y la pérdida de una oportunidad única para ser pionera en este campo. 

Desde 1995, año en que la web se abrió definitivamente al área comercial y a todo quien quisiera crear un sitio web, la capacidad de los navegadores para combinar las formas de expresión tanto verbales como visuales creció y se perfeccionó vertiginosamente, lo cual había llevado al equipo del Centro de Estudios Mediales de la UDP a diseñar un curriculum de formación de profesionales expertos en contenidos multimediales. El surgimiento de las redes sociales y de los smartphones, justamente después de 2004, demostró aún más la importancia y el gusto del público pour los mensajes mixtos.
Pero los avances de la tecnología han llevado a nuevas formas de comprender la multimedia, primero hacia la adaptación de las formas al tipo de receptor (que un mismo contenido pueda ser visualizado en un PC o en un smartphone) y ahora a la posibilidad de seguir viendo (o escuchando) el mismo contenido pasando de una forma de recepción a otra: es la "transmedia". Una historia podría empezar en una nota de prensa, seguir en un breve video y luego en un documental de televisión (también visible en el smartphone), con la posibilidad -además- de comentarlo, porque uno de los objetivos de la narrativa transmedia es justamente de involucrar más a la audiencia. Para ser "transmedia", se ha convenido en que un contenido debe distribuirse (completarse) al menos en 3 plataformas.
Pero, además, el "storytelling" es una parte significativa de la transmedia, lo cual requiere aportar historias de valor, que capten el interés tanto por el contenido como por la forma e inviten a la "transnavegación". La transmedia requiere por lo tanto una capacitación en múltiples campos, desde el arte narrativo hasta las artes visuales, así como la programación de sistemas interactivos. Habrá que dominar las nuevas narrativas 4D (video en 360° con desarrollo temporal), la realidad aumentada, el "scrollytelling" (infografía con "walk through"; un buen ejemplo aquí), etc.
Jeff Gómez, experto en esta técnica y director de diversos proyectos transmedia para Coca-Cola y Disney, enumeró ocho claves que se pueden encontrar en este artículo sobre el tema.

Otras referencias:
"Periodismo Transmedia. La narración distribuida de la noticia", del equipo de investigación de la Universidad Nacional del Comahue, Argentina (eBook aquí). "Narrativas transmedia", de Carlos Alberto Scolari (Universitat Pompeu Fabra, Barcelona)Editorial Deusto (eBook aquí).

jueves, 31 de mayo de 2018

Enseñar para mañana

Este es sin duda el principal - y más importante - desafío para los docentes de hoy, especialmente en la educación superior. Algunos dicen que esta requiere un "cambio de paradigma", debido a las tecnologías y a la globalización.

"No puedo enseñar lo que me enseñaron. Está obsoleto." declaró hace poco un profesor universitario. Esto, obviamente, no se aplica en todos los campos. Numerosas materias solo pueden entenderse y desarrollarse recogiendo las enseñanzas del pasado. Pero, aún así, las formas de abordarlas sin dudas se ven afectadas. Con las nuevas tecnologías de comunicación, toda enseñanza y todo aprendizaje dependen de nuevos métodos de enseñanza.

Si internet ha sido en gran parte el causante de las "dificultades" de hoy, ligadas a la rapidez con que han evolucionado no solo la tecnología de los soportes de información sino también de la difusión de los avances de la ciencia, ofrece al mismo tiempo el medio para que los docentes se mantengan "al día" en relación a tales avances y para que introduzcan en ellos a sus alumnos. En cierto modo, hoy, deben aprender junto con sus alumnos, y esto implica un un cambio radical en la forma de enseñar. 

Las consecuencias son múltiples, empezando por la necesidad, para el docente, de asegurarse de estar "bien informado" y de seguir de cerca no solo de lo más novedoso que se produce en el campo de su disciplina sino de lo que ahí se proyecta para el futuro. Esto, a su vez, tiene una triple consecuencia: 1. saber recoger y conservar la información (tener una base de datos personal), de suficientes fuentes relevantes (las que debería conocer por su formación anterior); 2. tener tiempo para ello (a pesar de las presiones institucionales para "producir"); 3. hacer parte de su observación textos de prospectiva tanto en su disciplina como en disciplinas afines y de consideraciones generales sobre el futuro (como la obra de Mishio Kaku "La física del futuro"), algo que fue muchas veces despreciado en el pasado, según mi experiencia.

Esto último me parece esencial, porque "formar para mañana" obliga a adelantarse en todo lo posible. Si formamos solo para ejercer la profesión tal como se requiere hoy, lo cual es sin duda necesario, estaremos frenando el desarrollo personal y las posibilidades futuras de nuestros alumnos. Debemos enseñarles la misma metodología que hemos de aplicar a nuestra propia actualización: ser vigilantes ante los movimientos innovadores y asegurarnos que dominen las bases sobre las cuales construir nuevos procedimientos. La inquietud y la curiosidad, ordenadas y encausadas, son virtudes imprescindibles para los nuevos profesionales (¡y sus profesores!).
Esto no quita, muy al contrario, la importancia de enseñar los fundamentos de cada disciplina, pero esto puede requerir una visión renovada: más que recurrir a textos "clásicos" o a una simple revisión histórica, abordar estos con una visión analítica y sistémica (vea, como ejemplo, mi texto "Sistémica de los medios de comunicación").

Y no se puede olvidar la necesidad de reforzar (o formar) el correcto sentido crítico así como los fundamentos del pensamiento científico... ¡y también las bases del pensamiento creativo! En otras palabras, enseñar "los mecanismos del pensamiento" (esencial en la universidad, si no se ha hecho antes). "La educación del futuro apuntará, más que a la adquisición de conocimientos fragmentados o técnicos, a profundizar el conocimiento de lo humano en contexto, y a aceitar los mecanismos de comprensión" dice la argentina Verónica Abdala (Revista Cabal, marzo 2014). Desarrollar proyectos, explicitando los fundamentos de las soluciones propuestas, podría ser un excelente método, según Casanova y Bazarra, el método más "completo y versátil" que "permite integrar de manera natural a los demás", al cual se parecen también el "design thinking" (empatizar, definir el problema, idear, prototipar, aplicar y evaluar), que surgió en los 70 en la Universidad de Stanford, y el aprendizaje basado en problemas. (El Mundo, 08/09/2016). ¡El método de la clase magistral está definitivamente obsoleto!

jueves, 1 de febrero de 2018

La comunicación como aprendizaje

Los educadores no siempre se acuerdan de ver su labor como una labor de comunicación y de reflexionar sobre ella desde este punto de vista, como ordenan las Ciencias Cognitivas. El fenómeno de internet y los múltiples problemas que enfrentan, sin duda, con alumnos más interesados por las redes sociales y contenidos accesibles con sus celulares que por sus clases, sin embargo, les está llamando la atención en la dirección correcta y les obliga a repensar sus métodos de enseñanza.

Pero en el campo de los medios de comunicación existe mucho menos conciencia de que también son un medio de aprendizaje e incluso uno muy poderoso. Y este poder se ha incrementado con el fenómeno de la "personalización", que ajusta cada vez "mejor" los contenidos enviados a los intereses y gustos de los destinatarios. Así, en un efecto "bola de nieve", consumiríamos cada vez más lo que coincide con nuestras propias opiniones y desconoceríamos las opiniones y argumentos diferentes.

Las redes sociales parecían inicialmente facilitar la difusión de opiniones diversas, pero se está observando un movimiento inverso con los sistemas de análisis de datos personales. Los usuarios de redes sociales, en vez de encontrar opiniones diversas, son guiados ahora hacia informaciones que responden a lo que les gusta y a lo que expresan dentro y fuera de la red. Como lo señalaba M.Costabal, “la espontánea y fácil agrupación de personas en estas redes sociales tiende al abundante desarrollo de pequeñas comunidades virtuales de intereses afines y puntos de vista muy similares al interior de cada una de estas” (El Mercurio, 24/05/2011). Con los medios sociales el balance, los contrapesos, los intercambios de opiniones diferentes tienden a disminuir y, con ello, la aparición y desarrollo de la sabiduría popular o “sabiduría de masa” se ve afectada, como ha sido señalado por Brandon Keim sobre la base de los experimentos de Jan Lorenz y Heiko Rahut en la universidad tecnológica ETH de Zurich (Suiza): “el conocimiento acerca de las estimaciones de los demás reduce la diversidad de opiniones hasta tal punto que socava la sabiduría colectiva” (Wired, 16-05-2011). Se forman las llamadas redes “asortivas”, término que hace referencia a la capacidad de los nodos de una red para agruparse con nodos parecidos a ellos, cada vez menos conectados y menos abiertos a un pensamiento diferente. Y esta situación está alterando la estructura de las relaciones a nivel mundial.

El tema de la personalización no puede ser tratado al margen del tema de la vida social, del bien común. Se trata, en esencia, de un tema de ética de las comunicaciones, algo que – desgraciadamente – parece ser ignorado por la concepción actual del mercadeo digital, influenciado por la fe ciega en la “objetividad” de los algoritmos. Y si esto ya es éticamente cuestionable, no olvidemos lo fácil – y perverso – que es introducir en un algoritmo un pequeño factor que favorezca (invisiblemente) los intereses de una empresa o una facción política. ¿Tenemos realmente acceso a lo más significativo y lo más beneficioso (para nosotros y para la comunidad)? ¿O solo a lo que algunos parecen preferir y a lo que los creadores de algoritmos creen más “adecuado” o más “representativo” para nosotros - o ellos mismos - según sus propios (y desconocidos) criterios? (Vea mi libro "Algoritmos, grandes datos e inteligencia en la red").

Otra aspecto de las comunicaciones digitales es el de sus consecuencias en el mismo cerebro. La lectura en móbiles es muy diferente de la lectura de impresos. Se le da menos tiempo, ocurre muchas veces en ambientes que no favorecen la concentración y parece responder también a intereses más específicos. Y muchos “e-diarios”, tratando de ajustarse, incluyen enlaces (hipervínculos) que interrupen o redirigen cada vez más la lectura. Se fragmenta la lectura, siguiendo una nueva regla para toda información disponible en internet. Así, el “alimento” digital de la mente pasa a ser fragmentario y el lector debe posponer el esfuerzo de reflexión para cuando haya acumulado los múltiples fragmentos que respondan a su criterio de búsqueda1. Pero la lectura rápida pasa a ser la conducta primordial, en reemplazo de la lectura profunda que pasa – de este modo – a ser un  recurso “de segunda línea”, lo cual – evidentemente – también conduce a pensar de otra manera.
“Docenas de estudios a cargo de psicólogos, neurobiólogos, educadores y diseñadores web apuntan a la misma conclusión: cuando nos conectamos a la Red, entramos en un entorno que fomenta una lectura somera, un pensamiento apresurado y distraído, un pensamiento superficial.” (Carr, p.143)
Otra consecuencia es que a medida que aumenta la información disponible en la red y que mejoran las tecnologías de procesamiento de datos junto con las herramientas para buscarlos y filtrarlos tenemos cada vez menos necesidad de memorizar esta información. Con horas y horas conectados, utilizando cada vez más los buscadores para recopilar información, se fortalecen nuestros circuitos neuronales dedicados a explorar, filtrar y realizar múltiples tareas, pero ésto perjudica nuestra capacidad para pensar profunda y creativamente, para deliberar y razonar frente a un problema. Dada la plasticidad de nuestro cerebro, nuestros hábitos online reverberan en el funcionamiento de nuestras sinapsis cuando no estamos online (Carr, p.174).

¡Lo peor del efecto de aprendizaje de las comunicaciones digitales es la alteración de los cerebros!